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Carl Agité : « Demain, tu tueras toi-même, toujours, l’animal que tu veux manger »

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Retranché dans son chalet alpin situé « en 2081 », cet énigmatique ermite se souvient de la petite mort du désir carnivore, le jour où les Etats obligèrent les viandards à se rendre eux-mêmes à l’abattoir. #MeatHook !


L’enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d’une bouteille de génépi, déposée en évidence à l’entrée des studios, fin août 2020. L’étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l’alcool de plantes. Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l’un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s’ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d’un certain « Carl Agité ».


Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L’auteur s’y présente sous les traits d’un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s’est pas encore écroulé.


Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes se souvient de la petite mort du désir carnivore, le jour où les Etats obligèrent les viandards à se rendre eux-mêmes à l’abattoir. « En 2022, un slogan devint viral. Si tu veux vraiment de la viande, tue l’animal toi-même. Au départ, on parlait d’un canular, d’un happening antispéciste de bobos énervés. Mais les rayons des supermarchés, les étals des bouchers, des charcutiers, des poissonniers, se vidèrent aussi vite qu’une balle de fusil. » Dévalisés, mais pas réapprovisionnés ; sauf en steaks de soja, en boulettes végétales ; des imitations, pas forcément insipides, mais plus de vrai jambon, plus de vrai poulet, plus de vrai saumon, « si tant est que le mot vrai, dans la grande distribution, signifie encore quelque chose », précise l’ermite.


Agité raconte : « En périphérie des villes, les abattoirs étaient ouverts à tous, les machines et les outils mis à disposition, les bêtes en liberté. Les employés n’avaient d’autres responsabilités que de veiller à leur sécurité des bestiaux, les nourrir, les soigner. N’importe quel citoyen-consommateur pouvait venir – sans arme, néanmoins – tuer à sa guise, avec le matériel habituel, un veau, un porc, un canard, et repartir avec sa cargaison de viande (dans des limites fixées à l’avance, pour éviter les abus). »


Détail : aucune aide n’était fournie pour “réussir” ces assassinats. « Chaque personne devait abattre, elle-même, les yeux dans les yeux, le bœuf tant désiré et lui arracher les côtelettes à la main. Aucun professionnel ne venait vous expliquer comment buter puis déplumer soi-même le poulet du dimanche. Il y eut des carnages, un gâchis effroyable, des scènes horriblement violentes et honteuses relayées sur les réseaux. » Mais cela ne dura guère. Viandard ordinaire, Carl évoque l’abandon de son propre régime carnivore rien qu’à l’idée de se « rendre en banlieue pour griller le cerveau d’un cochon, pour ensuite le découper en tranches, pendant des heures, avec du sang et des boyaux partout, juste histoire d’avoir trois saucisses » pour accompagner sa purée.


Le déni de la souffrance animale, qui nous permet depuis des millénaires d’engloutir trois tonnes de bidoche à chaque raclette, à chaque méchoui, à chaque barbecue, mua en évidence. On nomma ça la révolution #MeatHook, du nom d’une chanson de The Cure. « Le hashtag #MeatHook se répandit comme une traînée de poudre : 92% des humains se montrèrent incapables de faire clamser un animal si leur survie n’en dépendait pas. Bien sûr, aux quatre coins du globe, les mouvements pro-chasse et...

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L’enregistrement que vous allez entendre nous est parvenu par la grâce liquide d’une bouteille de génépi, déposée en évidence à l’entrée des studios, fin août 2020. L’étiquette indiquait : « Pour votre Arche. » À travers le verre, un petit coffre en plastique flottait dans l’alcool de plantes. Le soir même, il fallut trois heures à notre équipe pour boire avec bravoure la boutanche entière, qui tomba en même temps que l’un de nos animateurs, et se brisa. Le coffre roula, s’ouvrit, révélant une pochette étanche, abritant elle-même une clé USB, contenant enfin plusieurs messages audios d’un certain « Carl Agité ».


Après débat au sein de la rédaction, il a été décidé de partager avec nos auditeurs ces « témoignages du futur », situés « en 2081 », cent ans exactement après la création de Radio Nova. L’auteur s’y présente sous les traits d’un ermite, « vieux sage et vieux singe », habitant un modeste chalet au pied du mont Blanc. Surprise, agréable : à « son » époque, le monde ne s’est pas encore écroulé.


Dans ce nouveau message, notre mystérieux moine des montagnes se souvient de la petite mort du désir carnivore, le jour où les Etats obligèrent les viandards à se rendre eux-mêmes à l’abattoir. « En 2022, un slogan devint viral. Si tu veux vraiment de la viande, tue l’animal toi-même. Au départ, on parlait d’un canular, d’un happening antispéciste de bobos énervés. Mais les rayons des supermarchés, les étals des bouchers, des charcutiers, des poissonniers, se vidèrent aussi vite qu’une balle de fusil. » Dévalisés, mais pas réapprovisionnés ; sauf en steaks de soja, en boulettes végétales ; des imitations, pas forcément insipides, mais plus de vrai jambon, plus de vrai poulet, plus de vrai saumon, « si tant est que le mot vrai, dans la grande distribution, signifie encore quelque chose », précise l’ermite.


Agité raconte : « En périphérie des villes, les abattoirs étaient ouverts à tous, les machines et les outils mis à disposition, les bêtes en liberté. Les employés n’avaient d’autres responsabilités que de veiller à leur sécurité des bestiaux, les nourrir, les soigner. N’importe quel citoyen-consommateur pouvait venir – sans arme, néanmoins – tuer à sa guise, avec le matériel habituel, un veau, un porc, un canard, et repartir avec sa cargaison de viande (dans des limites fixées à l’avance, pour éviter les abus). »


Détail : aucune aide n’était fournie pour “réussir” ces assassinats. « Chaque personne devait abattre, elle-même, les yeux dans les yeux, le bœuf tant désiré et lui arracher les côtelettes à la main. Aucun professionnel ne venait vous expliquer comment buter puis déplumer soi-même le poulet du dimanche. Il y eut des carnages, un gâchis effroyable, des scènes horriblement violentes et honteuses relayées sur les réseaux. » Mais cela ne dura guère. Viandard ordinaire, Carl évoque l’abandon de son propre régime carnivore rien qu’à l’idée de se « rendre en banlieue pour griller le cerveau d’un cochon, pour ensuite le découper en tranches, pendant des heures, avec du sang et des boyaux partout, juste histoire d’avoir trois saucisses » pour accompagner sa purée.


Le déni de la souffrance animale, qui nous permet depuis des millénaires d’engloutir trois tonnes de bidoche à chaque raclette, à chaque méchoui, à chaque barbecue, mua en évidence. On nomma ça la révolution #MeatHook, du nom d’une chanson de The Cure. « Le hashtag #MeatHook se répandit comme une traînée de poudre : 92% des humains se montrèrent incapables de faire clamser un animal si leur survie n’en dépendait pas. Bien sûr, aux quatre coins du globe, les mouvements pro-chasse et...

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